Axe 3

Axe 3 : Les systèmes informels qui produisent la ville.

Le fonctionnement de Port-au-Prince repose en grande partie sur des systèmes informels qui se substituent à des services inexistants ou les complètent. Ils sont particulièrement présents dans les quartiers pauvres et précaires : d’une part parce que les fournisseurs de service, publics ou privés, n’ont souvent pas investis ces zones ou parce que les usagers ne répondent pas aux conditions exigées par les pourvoyeurs de services. Ces systèmes informels peuvent prendre différentes formes : détournement ou appropriation de systèmes formels défaillants (réseaux d’eau et d’assainissement, approvisionnement en électricité), auto-construction de logements et auto-organisation d’aménagement de quartiers en alternative à l’absence d’actions régulières et légales des autorités ou des promoteurs fonciers et immobiliers privés (habitat), ou stratégie économique de survie puis d’intégration urbaine (artisanat indépendant, vente dans la rue, activités frauduleuses et illicites, …). Comme dans la majorité des villes des pays en développement, la superposition de deux systèmes, formel et informel, parvient cependant à tisser à Port-au-Prince un ensemble urbain fonctionnel en mesure de répondre aux nécessités basiques des habitants les plus démunis.

Il faut rappeler que l’informalité est un vaste domaine d’intérêt dans l’organisation urbaine qui a d’abord été mis en valeur au plan économique par le BIT (Bureau International du Travail) dans les années 1960 (BIT, 2004 ; Lautier, 1994 ; Charmes, 1987), mettant en évidence l’incapacité des entreprises à engager de nouveaux salariés et aux autorités publiques l’incapacité à favoriser la création de nouveaux emplois reconnus officiellement. La venue de migrants en ville et l’incapacité des municipalités et des promoteurs fonciers et immobiliers privés à aménager, en nombre et en service, de nouveaux lotissements, ont poussé ces nouveaux citadins à occuper des terrains non utilisés pour édifier eux-mêmes leurs logement et à s’auto-organiser pour l’aménagement minimal de ces quartiers. Turner, dès la fin des années 60, puis de nombreux auteurs, ont démontré que la production de l’habitat est très largement le fait des usagers et que seules des actions d’accompagnement permettent d’améliorer les conditions de vie de ces familles pauvres (Gilbert, 2009 ; Huchsmeyer & Karam, 2006 ; Durand-Lasserve, 2006 ; Bolay, 2006 ; Imparato & Ruster, 2003 ; Pedrazzini et al, 1999 ; Turner, 1977). Très rapidement ces questions urgentes à traiter, mais multiples et touchant tous les secteurs de la vie urbaine, ont amené les analystes à interroger l’informalité dans sa globalité, avant de porter leur regard sur l’un ou l’autre secteur technique ou économique en particulier. C’est donc bien l’ensemble du processus de planification urbaine et d’aménagement du territoire qui est désormais analysé pour en comprendre les dynamiques (Roy, 2003, 2005, 2009, 2011 ; Watson 2009 ; Choguill, 1994 ; Balbo, 1993). Tenant compte de cette problématique et des thématiques qui ont guidé les travaux au plan international, cet axe de recherche s’attachera d’abord à définir, dans le cas de Port-au-Prince, le concept d’informalité urbain et d’en saisir les implications sectorielles ; il visera ensuite à comprendre le fonctionnement et les interactions entre ces systèmes, formel et informel, de manière à saisir, selon les acteurs en place, avantages et inconvénients de cette organisation territoriale et socio-économique dans la structuration de Port-au-Prince. La recherche s’efforcera de montrer que les stratégies de recours aux services informels n’est pas l’apanage des habitants les plus pauvres, mais constitue la voie privilégiée par une majorité de citoyens haïtiens, y compris ceux issus des classes plus aisées de la société, comme de récentes recherches l’ont montré (Chenal, 2011). La recherche vise enfin à donner les leviers nécessaires à de nouvelles politiques urbaines prenant en compte l’informalité en vue d’une gestion durable de la ville. Une analyse comparative au travers d’étude de cas dans trois domaines qui seront choisis dans la première partie de la recherche. Ils doivent permettre de mieux appréhender le fonctionnement urbain, les ressources nécessaires et leur efficacité, mais également les conséquences sociales et les coûts qu’ils représentent par rapport à des systèmes formalisés. Quatre sites seront choisis à Port-au-Prince dans des quartiers à la fois centraux et périphériques. Ils seront ainsi l’occasion d’analyser les stratégies des différents acteurs du système informel (par exemple, intermédiaires, usagers, propriétaires, puissance publique, …) dans les trois domaines qui seront choisis préalablement. Les résultats des enquêtes menées auprès de ces acteurs permettront de recenser les organisations de l’espace découlant de ces systèmes informels, ce qui permettra à terme de mettre en évidence les logiques d’action propres aux systèmes informels en milieu urbain dans des situations de crise comme a connu la capitale haïtienne après le séisme de 2010.

Les quatre sites seront situés à l’intérieur de l’aire métropolitaine : Canapé Vert et un site dans la ravine Bois de Chêne transversalité avec l’axe 3 ; Carrefour Feuille ; le centre-ville et Canaan en périphérie qui permet une transversalité avec l’axe 1. La première phase de la recherche déterminera les « domaines de l’informel », donnant un état des lieux exhaustif sur la question à Port-au-Prince. Cette phase débouchera sur le choix des domaines à approfondir. Dans une deuxième phase, nous quantifierons le phénomène par des enquêtes de terrain, les résultats attendus aident à comprendre l’ampleur du phénomène. La troisième phase de la recherche qualifiera l’informel. Des entretiens semi-directifs se feront avec les acteurs institutionnels ainsi qu’avec les représentants d’entreprises privées travaillant dans les secteurs concernés par les domaines choisis. Une série d‘entretiens approfondis seront faits avec les acteurs de l’informel permettra également de spatialisé la présence de l’informel dans les quartiers (parcours des acteurs, lieux spécifiques, etc. La phase nous permettra d’approfondir les mécanismes de l’informalité. Enfin une ultime phase analysera les résultats des phases précédentes, recoupera les enquêtes de terrains de la phase 2 avec les entretiens de la phase 4 permettant ainsi de définir le concept d’informalité urbain, de comprendre le fonctionnement et les interactions entre ces systèmes, formel et informel et enfin de mettre en avant les leviers pour de futures politiques publiques tenant compte des résultats de recherche. Les entretiens se feront avec trois types d’acteurs : 1) Les acteurs institutionnels, afin de déterminer le rôle des administrations publiques locales et des agences décentralisées dans l’organisation de ces quartiers et leur perception des avantages et risques de l’informalité des processus ; 2) Les acteurs représentatifs du secteur privé engagés dans les domaines sélectionnés par la recherche, de manière à comprendre leurs activités et évaluer leur perception des avantages et risques de l’informalité des processus dans lesquels eux travaillent également ; et enfin 3) Les actifs du secteur informels